J’avais oublié…
Plantons le décor
D’un âge certain pour ne pas dire d’un certain âge, j’ai vécu ces dernières années dans une sorte de torpeur à plusieurs vitesses.
Un divorce que je n’ai pas vu venir, une histoire qui l’a suivi, courte, m’ont fait plonger dans le boulot, je passais l’essentiel de mon temps à penser boulot, ou à y être… Même durant les périodes COVID, celle où on nous disait de rester chez nous et de continuer à faire fonctionner la boite, c’était l’essentiel de mes pensées. Au-delà de m’occuper l’esprit, je bossais un grand projet, ambitieux, de ceux que l’on croise rarement dans une très grande entreprise, et j’ai été pleinement partie prenante dedans, cela aidait à y rester.
Et, je me suis retrouvé un jour sans activité, et a disparu d’un coup ce qui occupait ma vie les cinq années précédentes… J’ai clairement perdu ma première année d’inactivité à ne rien faire, mais rien, vraiment, au sens propre.
À la fin de cette première année, un souci de santé m’amène à l’hôpital, et de tous mes contacts, émerge une proposition, celle de venir au calme de la campagne, quelques jours, reprendre la forme, et faire plus connaissance.
Le grand plongeon, les découvertes
Le pourquoi, le qui, le comment, de la rencontre, ne concernant que les concernés, il n’y a rien à écrire ici qui n’est d’intérêt pour le sujet du jour, s’il s’écrivait quelque chose un jour ce serait plus drôle encore à 4 mains.
Comme il y a des enfants, ou plutôt des presque ados j’ai découvert leurs univers, leurs centres d’intérêt, leurs passions. Et c’est un monde qui s’ouvre, n’ayant jamais eu d’enfant., ou presque, mais c’est une autre histoire que je raconterai, peut-être une autre fois, n’ayant jamais eu d’enfant, donc, je découvrais. Un tas de choses. Comme leur facilité à entendre des choses quand j’étais persuadé qu’ils étaient absorbés par ce qu’ils faisaient, les ambiances de rencontres sportives, l’intérêt qu’ils présentent à me donner les règles du jeu vidéo auquel ils envisagent de me faire jouer sans me les donner tout à fait, la force avec laquelle il me présente un personnage du livre qui viennent de lire, de l’anime qu’ils viennent de regarder. Et plus tard, après une période que l’on peut appeler d’apprivoisement réciproque, leurs ambitions, leurs passions profondes, et parfois la manière dont ils se projettent vers l’avenir. J’ai aussi découvert la réforme du lycée, celle du bac, et je me suis parfois retrouvé à chercher sur internet le pourquoi, le comment, regarder les sites de lycées savoir ce qu’ils faisaient, les options, des organismes d’études à l’étranger… Ce qui fait sourire, voire rire l’adulte, d’un rire mi-moqueur, mi-bienveillant.
Parallèlement à cela, du côté des adultes, on avançait quelques projets informatiques, puisque nous sommes tous les deux assez férus de la chose, essentiellement axé sur le loisir, ou encore installer des Linux sur des machines un peu anciennes, pour le fun dans un premier temps, pour l’usage dans un second… bricoler un WordPress, s’amuser avec des serveurs (on a les loisirs que l’on veut). Deux visites, les connaissances ont avancées pour tous, je crois, et c’est souvent très drôle.
J’avais oublié…
Ce que j’avais oublié, du bout de mes quelques années de vie seul, plongé dans le boulot, puis dans le rien ?
J’avais oublié que préparer un repas pour plus d’un, pour plus que soi, sans que ce soit pour recevoir, en tenant compte des indications de chacun, est valorisant, et quand en plus ça plaît, c’est une réussite que l’on prend…
J’avais oublié la force d’un regard, la force d’un sourire, ces instants fugaces qui te donne l’énergie pour avancer le reste du jour…
J’avais oublié la question qui se pose d’un geste et d’un regard, et la réponse qui arrive par le même véhicule…
J’avais oublié le rire spontané qui m’arrive en écho à une de mes blagues aussi mauvaises soient-elles…
J’avais oublié la liste des courses à quatre mains, que l’on ne reconnait pas tout à fait quand on la prend pour y aller…
J’avais oublié tout le partage, pour le bon, et pour le moins drôle aussi… Que ce soit le chocolat ou le balai, les croissants ou vider le lave-vaisselle.
J’avais oublié tout ce qui était plus ou moins dans mes vies d’avant, tout ce qui disparaît quand on passe en mode « ours », limiter les interactions, plonger dans le travail sans vouloir en sortir, n’être qu’une ombre.
J’avais oublié tout ça, et bien d’autres choses encore, et, là, maintenant, j’ai l’impression de sortir d’un long et profond sommeil.